Bien manger : santé, résistance et transmission
Norru / 1 janvier 2024 / 5 min / Alimentation, Santé, Culture, Local, Tradition
Redécouvrez le pouvoir de l'alimentation locale ultramarine pour votre santé, notre économie et la transmission d'un héritage précieux.

Bien manger : santé, résistance et transmission
Adapter son alimentation avec l'âge est un pilier de la santé. Mais loin d'être une contrainte, c'est une opportunité de renouer avec nos racines. En Outre-mer, "bien manger" signifie embrasser la richesse de nos produits locaux. C'est un acte de santé pour notre corps, un acte de résistance face aux produits importés et un acte de transmission de notre culture. Une bonne alimentation, combinée à une activité physique régulière, est la clé d'une retraite en pleine forme.
1. Nos terroirs, nos trésors : une pharmacopée à ciel ouvert
Des Antilles à l'Océan Indien, en passant par la Guyane, nos marchés sont des sanctuaires de bienfaits. Chaque territoire recèle des trésors nutritionnels que nos anciens ont su identifier et cultiver avec sagesse.
Aux Antilles, l'héritage des racines se manifeste dans nos assiettes. Les christophines (ou chouchou), riches en potassium et vitamine C, aident à réguler la tension artérielle, un atout précieux face aux maladies cardiovasculaires. Le giraumon, notre potiron créole, offre une chair orange gorgée de bêta-carotène, essentiel pour la vue et l'immunité ; une simple soupe au lait de coco devient un concentré de bienfaits. Les ignames et patates douces, avec leur index glycémique modéré, sont parfaits pour stabiliser la glycémie, une alternative saine au pain blanc. Enfin, les bananes vertes, cuites à l'eau ou en "ti-nain boukanné", apportent fibres et vitamine B6.
À la Réunion, la diversité créole s'exprime à travers des produits uniques. Les brèdes, qu'il s'agisse de brèdes chouchou, mafane ou songe, sont de véritables bombes de fer et d'acide folique, idéales pour lutter contre l'anémie. Le chouchou, légume polyvalent, se décline en gratins, rougails ou salades, et sa richesse en eau contribue à une bonne hydratation. Le curcuma frais, ou "safran péi", est reconnu pour ses propriétés anti-inflammatoires scientifiquement prouvées, rendant un carry de poisson bien plus efficace que n'importe quel complément alimentaire. Les lentilles, base du célèbre "riz-lentilles", fournissent des protéines végétales complètes lorsqu'elles sont associées à des céréales.
En Guyane, la forêt amazonienne nous offre de véritables super-aliments. Le wassaï, une baie pourpre plus riche en antioxydants que les myrtilles, est traditionnellement consommé en boisson pour protéger contre le vieillissement cellulaire. Le manioc, transformé en couac, est une source de glucides sans gluten qui nourrit les bonnes bactéries intestinales et régule le transit. Quant aux fruits de la passion, leur haute teneur en vitamine C et en fibres en fait des alliés précieux pour l'immunité et la digestion.
À Mayotte, les saveurs de l'océan Indien parfument une cuisine saine et protectrice. Le combava, ce petit agrume au parfum puissant, ne se contente pas de relever les plats de poisson grillé ; il apporte aussi des flavonoïdes protecteurs. Les bananes locales, avec plus de dix variétés, offrent une palette de goûts et de textures, de la douceur de la banane-figue à la consistance de la banane plantain. Enfin, le moringa, surnommé "l'arbre de vie", est une ressource exceptionnelle dont les feuilles contiennent tous les acides aminés essentiels.
2. La cuisine "péyi" revisitée : le goût authentique, la santé en plus
La cuisine traditionnelle est notre force. Quelques ajustements la rendent encore meilleure pour notre santé. Le secret réside dans le pouvoir des épices locales comme le gingembre, le bois d'Inde, le piment végétarien ou les oignons-pays. Leurs saveurs intenses permettent de réduire drastiquement le sel, un ennemi silencieux de nos artères. Adopter des cuissons douces, comme la cuisson à l'étouffée, en papillote ou au court-bouillon, préserve les nutriments et le goût originel des aliments, contrairement aux fritures. Enfin, il est essentiel de privilégier le bon gras, notre allié santé. L'avocat, les poissons frais riches en oméga-3, l'huile de coco et les oléagineux locaux sont à l'honneur pour le bon fonctionnement de notre cœur et de notre cerveau.
3. Le défi moderne : résister aux sirènes de l'importé
L'arrivée massive de produits ultra-transformés, trop salés, trop sucrés et trop gras, a un impact direct sur notre santé. L'augmentation du diabète et de l'hypertension dans nos territoires n'est pas une fatalité.
Choisir un fruit de la passion plutôt qu'un soda, du couac plutôt que du pain de mie industriel, ou un poisson grillé plutôt qu'un plat préparé, c'est choisir de prendre sa santé en main. C'est un acte de résistance qui soutient nos agriculteurs et notre économie.
4. L'hydratation sous les tropiques : l'eau, tout simplement
Avec nos climats, boire est vital, même sans ressentir la soif. La déshydratation guette particulièrement nos aînés, dont la sensation de soif diminue avec l'âge.
L'eau est notre premier médicament. Il est conseillé de boire au moins huit verres par jour, en gardant une bouteille à portée de main et en buvant régulièrement, même sans avoir soif. Il faut être attentif aux signes de déshydratation comme une fatigue inhabituelle, des maux de tête, une urine foncée ou une peau qui perd son élasticité.
Nos jardins offrent aussi une véritable pharmacie végétale pour s'hydrater avec plaisir. Les infusions "maison" sont une excellente alternative. La citronnelle est digestive et aide à réguler la tension. Les feuilles de corossol (graviola) sont apaisantes et favorisent le sommeil. La menthe fraîche du jardin facilite la digestion, tandis que le thé vert local, produit dans certains de nos territoires, est riche en antioxydants. En revanche, il est préférable d'éviter ou de limiter les sodas et jus industriels, véritables bombes de sucre, ainsi que l'alcool en excès, qui déshydrate et perturbe le sommeil.
5. Cuisiner en famille : transmettre et partager
La cuisine n'est pas qu'une affaire individuelle. C'est un moment de transmission et de lien social essentiel à notre bien-être.
Le jardin créole : de la terre à l'assiette Cultivez quelques légumes et aromates : basilic, persil, ciboulette, piment, tomates-cerises. Même sur un balcon, des bacs peuvent accueillir ces trésors. Jardiner, c'est de l'exercice physique doux et la garantie de produits frais sans pesticides.
Transmettre les recettes traditionnelles Invitez vos petits-enfants à préparer le traditionnel court-bouillon, le rougail saucisse ou le colombo. Ces moments créent des souvenirs et transmettent notre patrimoine culinaire. N'hésitez pas à noter les recettes familiales pour les préserver.
Les marchés : rendez-vous sociaux et nutritionnels Le marché hebdomadaire n'est pas qu'un lieu d'achat, c'est un moment social. Discuter avec les producteurs, découvrir des variétés oubliées, échanger des conseils de préparation... Ces interactions enrichissent notre alimentation et notre vie sociale.
En faisant de notre alimentation un acte conscient, nous nous offrons une retraite pleine de vitalité, tout en préservant et en transmettant le meilleur de notre héritage ultramarin. Chaque repas devient alors une célébration de notre culture et un investissement dans notre santé future.